Qu'en est-il aujourd'hui du destin des prisons de Saint-Gilles, Forest et Berkendael ?
Au sein du Comité de Défense de Saint-Gilles, cela fait
quelques temps que le sujet est régulièrement évoqué. La Commune et la Région prennent
occasionnellement attitude - du moins officieusement. C’est ainsi que Charles
Picqué s’est exprimé l'an dernier sur le sujet après avoir été interpellé au
parlement bruxellois le mercredi 20 mars 2013 par un député Ecolo. Un cahier
des charges a été transmis à plusieurs cabinets d’architectures qui ont
communiqué leurs esquisses fin mai 2013. Il a été décidé de demander de mettre
l’accent sur le logement et les équipements collectifs, les commerces et les
espaces verts … Ceci étant, la
Région n’a pas la main dans ce dossier. Et la Régie des Bâtiments (Fédéral),
propriétaire du terrain, ne s'est toujours pas positionné officiellement dans
ce dossier.
Que compte réellement faire le fédéral ? Déménager
tout ? Ou une partie ? Raser le site ? Le vendre (en bloc ou d’une
pièce) partiellement et en garder une partie ? Ou au contraire s’en
défaire ? Que de questions qui restent à ce jour sans réponse.
Le CODES a orchestré plusieurs réunions (ouverte à tous) dans le but de recueillir et mettre en commun les
informations, idées et remarques des habitants afin de prendre les devants …
histoire que ce projet ne se règle pas dans l’opacité d’un bureau capitonné.
L'an dernier, nous avons été visiter le terrain en compagnie de riverains, membres du Comité de Haren.
Projection
chronologique :
La
fermeture des prisons de Saint-Gilles, Forest et Berkendael est assujettie à
l’ouverture de celle d’Haren, qui n’existe pour l’instant que sur papier.
D’après nos observations, on peut
envisager l'hypothèse d'un transfert de détenus au début de l’année 2017. Effectivement, cela
semble loin, mais les décisions se prennent sans doute dès maintenant - il
s’agit quand même de 10 hectares qui se libéreront dans un des quartiers de
Bruxelles parmi les plus densément peuplés.
Les
projets :
Dans les discours de la Commune et de la Région, on
retrouve plusieurs pistes qui rejoignent partiellement les souhaits des habitants :
Du logement. Oui, mais
de quel type ? Social, mixte ou de standing ? Le souhait de voir du
logement social apparaître a clairement été exprimé. A noter qu’il n’y a pas de
prescription impérative mais la Région en préconise de 15 à 20%. Il faudrait
aussi réfléchir sur l’innovation : des habitats groupés, des habitats
collectifs, solidaires. A la Région, certains ministres soutiennent ce genre de
logements alternatifs.
Un pôle
scolaire. L’entité rue Wafelaerts de l’école Saint-Luc, qui jouxte le mur d'enceinte de la prison, pourrait vouloir
s’étendre. A noter également que plusieurs écoles seront construites
prochainement à St-Gilles (dont une institution d'enseignement spécial rue Coenen) - un nouveau « pôle secondaire » serait
donc cohérent. Troisième élément : est évoquée aussi l’extension de l’école européenne sur
le site de Berkendael. De plus, s’il y a construction de nouveaux logements, ceux-ci doivent être accompagnés
d’écoles et de crèches, d’une nouvelle plaine de jeu,…
La dynamisation du quartier. Pour que le
quartier vive, il faut des commerces de proximité mais aussi des équipements collectifs
et de nouveaux espaces verts.
Un volet
culturel, au sens large. On pourrait penser à transformer l’une des ailes
existantes en musée. Au Codes, on songe par exemple à un musée de la
Résistance, en mémoire des nombreux résistants emprisonnés (et parfois
fusillés) à St-Gilles pendant l’occupation.
Quant aux
autres projets, on « fantasme » toujours sur un soi-disant manque de
bureaux à Bruxelles. Des rumeurs courent quant à la création de tels
espaces - le fédéral pourrait vouloir
rentabiliser au maximum l’espace et cette solution est la plus avantageuse d’un
point de vue financier - mais c’est une piste qui ne semble pas être
privilégiée pour le moment. Ce n’est en tout cas pas une option valorisée par
les habitants, qui ne souhaitent pas avoir comme voisins des entreprises
impersonnelles et des navetteurs.
Une autre
inquiétude a été soulevée quant à la hauteur des bâtiments, en écho à la
construction de la tour de la place Albert. C’est une question complexe car il
y a une tendance lourde répondant à une volonté de densification, sachant qu’on
ne peut pas « déborder des frontières de la Région ». Il y a donc une
tentation de construire en hauteur. Légalement, on doit calculer une moyenne de
hauteur dans un périmètre et la nouvelle construction doit se faire en accord
avec ces données. On essayera de défendre une dimension raisonnable.
En septembre 2013, certains s'aventuraient dans une brève description du site, un véritable "village pénitentiaire" : trois prisons pour hommes, deux autres pour femmes, une section psychiatrique, un bâtiment pour la détention limitée et une entité pour jeunes mineurs. On sait que le projet de prison pour jeunes a ensuite été abandonné. Un bref reportage de Télé Bruxelles en dévoilait les facettes : visionner le reportage ici.
Depuis
notre rencontre, Pétitions-Patrimoine a lancé une pétition afin d’envisager le
classement de l’ensemble des bâtiments. Sur son blog, l’association
explique cette démarche par la volonté d’accéder à des informations sur le
potentiel patrimonial de ces bâtiments, mais aussi d’imposer un vrai débat sur
leur avenir et ce qui les remplacera. En réaction, la Commission Royale des
Monuments et Sites a fait une demande de classement.
Des
pistes de réflexions
Le déménagement futur de la prison est un enjeu capital pour les habitants. Mais notre vigilance est absolue sur ce qui va être construit sur le site. Cet
événement est aussi une opportunité qui s’offre à nous de s’interroger et
d’éventuellement remettre en question ce qui nous apparaît comme une évidence.
Vous avez
peut-être remarqué que des tracts et affiches fleurissent ces derniers temps,
s’insurgeant contre la construction d’une « maxi-prison » déshumanisante
en ces temps de crises, et appelant au soulèvement populaire pour lutter contre
ce projet. Un radicalisme que nous ne partageons pas. Il apparaît néanmoins impératif de réfléchir sur le sens de la détention carcérale, de l’enfermement et de la privation des droits comme
punition d’une faute.
Par ailleurs, le déménagement éventuel de la prison hors du
centre de la ville induit de nombreuses difficultés pour l’entourage des prisonniers – leur famille, leurs amis, mais aussi les avocats … -, qui devront faire face à plus de
déplacements. Ce sera le cas aussi des travailleurs : tout une activité civile
est liée à l’existence de la prison … que signifie le fait d’exclure ce lieu de
la ville ? Et la prison, c'est aussi un microcosme économique qui foisonne (différents services, médecins, bibliothèque, coiffeurs, catering, enseignants, ...).
Autant de pistes de réflexion sur la vie en société
qu’il est important de considérer. C’est dans cette optique
qu’Inter-environnement Bruxelles a projeté d’organiser une conférence-débat sur
le sens de la prison.
Les animateurs du Comité de Haren nous explique en quoi la prison va occasionner
de multiples troubles pour les riverains.
Le CODES a tenté de proposer un débat public avec les pouvoirs publics (des deux communes concernées, du fédéral et de la Région), des représentants de la prison, des architectes, le maître-architecte de la Région, … C'eut été l’occasion de leur demander quels étaient les critères qui fixent les
priorités dans les orientations (logements, bureaux, écoles, animation,
culture)? Que l'on nous explique les règles du jeu, comment tout cela risque de
se passer. Tous ces acteurs se sont débinés les uns après les autres, rendant l'organisation de cette soirée de débats impossible.
Lors de nos groupes de travail, nous soulignons que l'option de maintenir une prison en ville1 doit être envisagée - pour les raisons que nous expliquons plus haut.
Ce qui est clair aussi, c'est que la politique en matière de gestion des emprisonnements est totalement inadaptée à la réalité. Imaginez que l'ensemble de l'infrastructure carcérale bruxelloise est conçue pour environ 1.200 individus. On sait pourtant que les bâtiments "accueillent" parfois plus de 1.600 détenus dans des conditions d'hygiène et de promiscuité que l'on imagine lamentables. Or, la nouvelle construction est, en principe, prévue pour 1.200 détenus.
Or, non satisfaits de "transférer" les détenus actuels, les autorités - en l'absence d'IPPJ dans la Région de Bruxelles-Capitale - avaient imaginé un bâtiment pour les jeunes auteurs de faits de délinquance. Comment donc imaginer "entasser" une population déjà surnuméraire et y ajouter un "nouveau type de population" ? L'arithmétique n'est pas, de toute évidence, le fort de nos édiles fédérales ... A moins que la philosophie en matière d'incarcération fasse l'objet d'intenses réflexions visant à diminuer le nombre de détenus. A lire les frilosités - pour des raisons budgétaires mais aussi de capacité de surveillance, ce n'est pas non plus la voie massive du bracelet électronique qui soit la piste privilégiée. Il semble enfin qu'une telle prison pour mineurs à Haren soit désormais écartée.
Les membres du CODES réclament un schéma directeur pour le périmètre des prisons, englobant bien entendu des quartiers plus éloignés concernés - même indirectement - par la problématique.
Enfin, il serait vraiment souhaitable qu'une plus grande transparence dans ce projet soit d'application. Et pourquoi ne pas inviter l'associatif et les riverains à siéger au sein d'un Comité de Pilotage ?
Merci à Louise pour son énorme contribution à cet article.
Le 19 février 2013 le journal de
Télé-Bruxelles a abordé la question du déménagement des prisons. A cette
occasion, le Comité a été sollicité pour exprimer le point de vue de ses
membres et des riverains (qui nous ont exprimé leurs desiderata). Vous pouvez consulter la vidéo de cette intervention sur
notre chaîne youtube.
1 Que ce soit dans les bâtiments de la prison de Saint-Gilles ou celle de Forest : peu importe.